Taiarapu-Ouest, hier et aujourd’hui

Une histoire riche

Une histoire qui a marqué le passé

Dans Fa’ati’a mai ia Tai’arapu – Grandeur et déclin des Teva i tai, ouvrage paru en 2016, Josiane DI GIORGIO-TEAMOTUAITAU se penche sur le passé de la partie Sud de Tahiti, en croisant plusieurs sources de référence. L’auteure rappelle notamment que, autrefois, Taiarapu était « un mata’eina’a, c’est-à-dire avant tout un groupe humain, uni par des liens familiaux, des lignages communs ». Plusieurs noms ont été attribués à cet espace, de Hiti iti (« petit Hiti », proche de l’appellation Tahiti iti, toujours d’actualité) à Tai’arapu (« mer troublée », en référence à la légende de la création de Tahiti), en passant par Teva i tai (« Teva de l’extérieur », clan issu d’un illustre ancêtre).

Conflits et alliances ont contribué à la construction de ce territoire, dont les limites ont évolué au fil du temps, de même que les toponymes. À l’Ouest de Taiarapu, Teahupo’o s’appelait autrefois Te-ahu-upo’o (« le mur de têtes », en référence aux victimes d’une bataille entre Tautira et Teahupo’o), mais aussi Tehahupo’o (car « son chef avait pour coutume de trancher la tête de ses ennemis d’un revers de la main, comme s’il s’agissait d’un couteau », hahu signifiant « raser »). Dans un registre moins sanglant, l’appellation Matahīhae était également employée (en lien avec le nom du marae le plus important de Teahupo’o).

Entre les limites actuelles de Teahupo’o et Vairao, se trouvait le district de Mata’oa’e, aujourd’hui intégré à la section de commune de Vairao. Vaira’ō a porté plusieurs noms : Fare’aito, Papeuru ou Vaiuru, ce dernier pouvant être traduit par « enchantée ». Quant à Vaira’ō, les interprétations orthographiques divergent selon les auteurs, signifiant tour à tour « maintenant et reste là », « eau des mouches », « lieu d’abondance » ou « lieu d’offrandes ». Une autre contraction issue de vaira’a ‘omore ferait quant à elle référence à la lance du guerrier Vehiatua, qu’il aurait plantée dans le sol pour refuser de combattre le ‘aito d’un district voisin.

Le nom de To’ahotu semble davantage ancré dans la durée, sans réelle variante. Toutefois, il existe plusieurs interprétations : entre « lieu où les guerriers se multiplient par naissance » et référence au récif du district, bouillonnant et déchaîné par temps de houle. Ces deux visions se font même écho dans une troisième version, pour laquelle les blocs de corail du récif (to’a) symboliseraient les guerriers (toa). Un récif de Toahotu porte d’ailleurs le nom de To’a taehae.

Une histoire qui continue de s'écrire

Subdivisions administratives, communes, sections de commune. Il y a encore cinquante ans, ce mode d’organisation n’existait pas en Polynésie française. Une série de décrets du 17 mai 1972 a officiellement délimité ces entités, dont Taiarapu-Ouest et ses trois sections : Toahotu, Vairao et Teahupo’o. Aujourd’hui, c’est le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qui régit le fonctionnement municipal.

Auparavant, pas de mairie, mais une chefferie, dirigée par un chef de district, tel que Charles HAMBLIN, épaulé par des conseillers (to’opae ou to’ohitu) et des muto’i (Arii HOPUETAI, Robert TAHUTINI, Hélier ALEXANDRE et Maimoa AMARU). Tous étaient à l’écoute des habitants, faisant appel au gouverneur de l’État français en cas de besoin. Autre particularité : aucun budget n’était alors en application.

Décédé le 16 septembre 2016, Roger DOOM fut le premier maire de Taiarapu-Ouest, qu’il dirigea pendant près de vingt-cinq ans, de 1972 à 1995, puis de 2001 à 2002. Joseph LUCAS lui succéda (1995-2001), puis Clarenntz VERNAUDON (2002-2014), suivi de Wilfred TAVAEARII (2014-2020). Depuis juillet 2020, c’est Tetuanui HAMBLIN qui assure la fonction de premier magistrat de la commune pour une mandature de six ans. Le conseil municipal de Taiarapu-Ouest se compose de 29 élus : maire, adjoints et conseillers. La mairie centrale de Vairao a été inaugurée en 1982. Au début des années 2000, les mairies annexes de Toahotu et Teahupo’o sont venues compléter l’offre de services de proximité.

Une culture vivante

Une culture qui s’exprime

Comme partout au Fenua, à Taiarapu-Ouest, la danse et le chant sont ancrés dans les coutumes locales. Si le ‘ori Tahiti vibre et les himene résonnent dans les écoles de danse et les paroisses, mais aussi dans les familles, ils atteignent leur apogée en juillet, période du heiva (ou tiurai) lors de laquelle ils sont célébrés sur scène, des quartiers jusqu’aux grandes soirées de la place To’ata, à Papeete. La troupe Teva i Tai se présente tous les deux ans, réunissant des danseurs et danseuses de l’ensemble de la Presqu’île, en alternance avec les troupes Tamari’i Vairao et Tamari’i Toahotu Nui. Côté chant, Tamari’i Teahupo’o et Tamari’i Vairao sont régulièrement au rendez-vous. Tous ont déjà été primés au terme de prestations mémorables. À Taiarapu-Ouest, la culture s’exprime également au travers d’artisans aux multiples talents : coquillages, tissus, pandanus, coco, ce sont quelques-unes des matières premières qu’ils travaillent, avec des produits uniques à la clé.

Une culture qui se savoure

Ancestrales, la pêche et l’agriculture restent des activités largement pratiquées à Taiarapu-Ouest, ce qui vaut à la Presqu’île d’être surnommée le « grenier » de Tahiti. Poissons du lagon, du large ou d’élevage, crevettes, crustacés, fruits et légumes, ces richesses de la mer et de la terre inspirent bon nombre de mets polynésiens. Le ma’a Tahiti est incontournable, notamment le dimanche et lors des jours de fête : poulet fafa, poisson cru au lait de coco, pua’a choux, po’e banane, taro, papaye ou potiron, etc. Quant au célèbre fafaru, certains l’adorent, d’autres l’évitent… Les cartes des snacks et restaurants de la place sont variées. Influencées par la cuisine asiatique et française, elles mettent généralement l’accent sur les produits locaux. Un délicieux combo !

Une culture qui se découvre

La « côte sauvage », c’est ainsi qu’on qualifie parfois Taiarapu-Ouest. Avec ses innombrables espèces végétales, cette nature préservée constitue un patrimoine à part entière. Le Fenua ‘Aihere de Teahupo’o renferme pléthore de sites archéologiques, dont deux classés : la grotte de Vaipoiri, côté rivière, et le Pari, côté mer, qui se dévoilent au travers de randonnées pédestres et d’excursions nautiques guidées. C’est aussi vrai pour Toahotu et Vairao, chaque vallée renfermant ses propres trésors ! L’un des sites culturels les plus accessibles reste probablement le marae Nuutere (en cours de revalorisation), situé à quelques minutes seulement de la route principale, à Vairao.

Des légendes emblématiques

La Polynésie est une terre imprégnée de légendes. Plusieurs d’entre elles puisent leur source à Taiarapu-Ouest. Voici les récits des exploits de certains de ces héros, contés par des référents culturels locaux :

TEAHUPO’O : LA LÉGENDE DES JUMEAUX

TEAHUPO’O : LA LÉGENDE DES JUMEAUX

par Patrick Charles ROCHETTE, résident de Teahupo’o
Traduction : Rufina TEITI. Signalétique du Service du tourisme implantée au PK 0.

Les premiers hommes à avoir surfé la vague de Teahupo’o étaient les jumeaux Hinapu’u et Maraeono. Leur père était Rahero et leur mère Hinapu’u. L’aîné a été baptisé Hinapu’u et le cadet Maraeono. Les deux frères vivaient dans la vallée nommée ‘Aiavaro. Leur maison était construite sur la montagne, sur la terre dite Ara-i-to’o, une terre plate et loin des regards.

Hinapu’u et Maraeono, que l’on nommait également « ‘ina tuputupua e ha’apū i Taravao », ce qui signifiait qu’ils régnaient en chefs dans les communes de Hui et Tai’arapu (Teahupo’o de nos jours). A cette époque, Hinapu’u et Maraeono étaient connus dans tout Tahiti, mais également dans les îles environnantes, car ils étaient les premiers à surfer cette vague que l’on nomme Taravao-nui-i-te-vaha-‘oro’oro.

Patrick Charles ROCHETTE, résident de Teahupo’o

Un jour, les jumeaux organisèrent une compétition sportive à Teahupo’o. Ils choisirent les personnes les plus puissantes et sveltes de leur district. La première épreuve était le lancer de javelot, la seconde épreuve était le lancer de pierre avec une fronde ; et enfin, une troisième épreuve était d’affronter la vague Taravao-nui-i-te-vaha-‘oro’oro.

Toute la population se réunit à Fare-nui-ātea (appelée aujourd’hui la pointe Fare Mahora) pour observer ces guerriers surfeurs. Le gagnant devenait ainsi un héros.

On entendit les louanges des jumeaux : « Voici notre message. Prenez garde, le danger est là. La douleur sera présente, car la vague Taravao-nui-i-te-vaha-‘oro’oro ne choisit pas ! Elle brise quiconque ose la défier, cela dépendra de ta force et de ta ténacité ».

Les anciens prirent la parole à leur tour : « Attention, courage, ne vous retournez pas. Regardez votre montagne Ateahunui, et voyez la terre où votre nombril a été coupé, et la patrie où votre placenta a été planté. Soyez courageux, combatifs et victorieux. Que l’on ne vous traite pas de « poulet de bassecour », mais que l’on vous reconnaisse dans cette patrie, et qu’elle vous honore à juste titre ».

TEAHUPO’O : VEHIATUA, LA SURFEUSE LÉGENDAIRE

TEAHUPO’O : VEHIATUA, LA SURFEUSE LÉGENDAIRE

VAIRAO/TOAHOTU : LA GROTTE DE MAUI

VAIRAO/TOAHOTU : LA GROTTE DE MAUI

par Henri MAGAUT, conseiller municipal

« Ce sont des anciens de Vairao qui m’ont transmis cette histoire. Selon eux, Maui est né dans un vallon situé non loin de l’entrée actuelle de Vairao. C’était un enfant qui pleurait beaucoup, ce qui a poussé ses parents à l’abandonner dans une grotte voisine. Une guerrière qui habitait sur la montagne a recueilli Maui, d’où le nom de ce site, Fa’anā, qui signifier « consoler ». Devenu grand, Maui est retourné voir ses parents en affirmant qu’il était devenu un guerrier. Pour leur prouver, son exploit consista à faire jaillir de l’eau de source dans le lagon avec son doigt. Cette démonstration n’a pas suffi à convaincre sa famille, ce qui provoqua la colère de Maui. Le guerrier projeta sa lance de toutes ses forces, avant de rejoindre sa mère adoptive au sommet de la montagne, qui l’encouragea à aller la chercher. Pour ce faire, il demanda à un lézard géant qui habitait dans les parages de faire le voyage sur son dos. Il le mena jusqu’à une île de l’archipel de Hawai’i, aujourd’hui appelée Maui.

Suite aux travaux d’aménagement de la route, la grotte a été démolie, mais on aperçoit encore aujourd’hui une cavité sur la paroi rocheuse. Plus jeunes, on s’amusait avec l’écho ».

Maruia POHEMAI, agent et référente de Tamari'i Vairao (chant), et Henri MAGAUT, conseiller municipal

LA LÉGENDE DU COCOTIER

LA LÉGENDE DU COCOTIER

par Maruia POHEMAI, agent communal et responsable du groupe de chant Tamari’i Vairao

D’après sa grand-mère, Mami TAURAA-AUCH, Roger DOOM et Belnatine MAITUI. Résumé des propos recueillis par Anne McKittrick.

« Hina, une jeune fille de Mataiea, avait trouvé refuge chez Maui, à Vairao, après avoir appris que ses parents l’avaient promise à Puhi, une anguille.

Puhi se jeta à la mer et nagea vers Vairao. Maui aperçu Puhi. Il prit quelques cheveux de Hina pour fabriquer une ligne de pêche. Maui s’installa sur le récif et attrapa Puhi.

En se débattant, Puhi divisa le récif en deux : cette grande brèche forma la passe de Tapuaeraha. L’autre explication à cette passe si grande, c’est qu’il y coule une source sous-marine d’eau fraîche.

Maui coupa la tête de l’anguille, un pied sur le récif, l’autre sur la terre ferme, en un point aujourd’hui recouvert par la route, à l’entrée de Vairao. En tahitien, tapua’e signifie « empreinte de pied » et raha se traduit par « diviser en deux ».

Maui remit la tête de Puhi à Hina en lui recommandant de ne pas la poser à terre avant qu’elle n’arrive chez elle, à Mataiea. Hina oublia la consigne et posa la tête de Puhi sur la berge d’une rivière, à Papeari. La tête prit racine et donna naissance au cocotier.

La noix de coco décortiquée a l’apparence d’une tête d’anguille, avec ses trois pores figurant deux yeux et une bouche. C’est sur l’orifice le plus gros que l’on applique la bouche lorsqu’on boit de l’eau de coco. Voilà pourquoi Puhi dit à Hina qu’elle continuera de l’embrasser après sa disparition ».

LA LÉGENDE DE TEREHE ET DE LA CRÉATION DE TAHITI

LA LÉGENDE DE TEREHE ET DE LA CRÉATION DE TAHITI

par Josiane DI GIORGIO-TEAMOTUAITAU, auteure de Fa’ati’a mai ia Tai’arapu, Grandeur et déclin des Teva i tai

Le mythe du poisson Tahiti fut conté par le prêtre Tamera en 1822.

Il y a très longtemps, à Havai’i, dans le district de Ōpoa, un tapu extrêmement strict fut imposé au point que nul chien ne devait aboyer, nul coq ne devait chanter. Une jeune fille du nom de Terehe brava l’interdit en allant se baigner dans une rivière alors que cela était défendu. Punie par les dieux qui la frappèrent de paralysie, elle se noya. Terehe fut ensuite avalée par une anguille géante, Tuna nui, et son esprit prit possession de l’anguille. Tuna nui s’agita alors, arrachant tout sur son passage, et se transforma en un poisson gigantesque, appelé Ta-hiti. Celui-ci s’éloigna de Ra’iātea, plongea dans les abysses et se dirigea vers l’Est, guidé en cela par Tu-rahu-nui, prêtre de Ta’aroa, dieu de la Création, qui se tenait dressé sur sa tête, Tai’arapu.

Le poisson Ta-hiti devait être immobilisé une fois stabilisé dans sa nouvelle position, là où se trouve l’île qui porte ce nom aujourd’hui ; pour cela, il fallait en sectionner les tendons. Le dieu de la mer, Tinorua, consacra à cet effet la hache nommée Tepahurunuimatevaitau. Le grand ‘aito Tāfa’i eut la lourde tâche de trancher les tendons du poisson, ce que d’autres avant lui n’avaient pas réussi à faire. C’est ainsi que les deux péninsules naquirent, rattachées par l’isthme de Taravao. La petite péninsule – nommée Tahiti Iti ou Tai’arapu – était la tête du poisson, et la grande péninsule prit le nom de Tahiti Nui. Le territoire se situant au Sud de Tahiti Nui et séparé́ de Tahiti Iti par la baie de Te’aua’a, devint Teva i uta – Vaiari, Vaiuriri, ’Ātimaono et Papara en étaient les composantes –, tandis que le territoire situé sur la petite péninsule, au sud, était Teva i tai.

Lors de la stabilisation entreprise par Tāfa’i, le poisson se cabra, et la mer fut troublée par ses soubresauts : c’est ainsi que le nom de Tai’ara-pu – mer troublée – fut attribué́ à la Presqu’île.

Josiane DI GIORGIO-TEAMOTUAITAU