LE RĀHUI DE TEAHUPO’O

Le rāhui de Teahupo’o en détails (Crédit : Rāhui pédagogique).

Des richesses naturelles et culturelles à préserver

Le rāhui de Teahupo’o s’étend sur 767,5 hectares au Fenua ‘Aihere, comptant parmi les derniers espaces à l’état sauvage de Tahiti. Il se compose d’une partie du lagon, de différents types de récifs et massifs coralliens, ainsi que de la passe Hotopu. Peu peuplée et propice à la reproduction, cette zone a été classée « aire protégée de ressources naturelles gérées » par l’arrêté n°864 CM du 6 juin 2014, correspondant à la catégorie VI du code de l’environnement polynésien, laquelle permet aux habitants d’être juridiquement intégrés à la gestion du milieu. Une première au Fenua !

LES « 5 P »

Le rāhui de Teahupo’o repose sur cinq piliers, qu’on peut facilement se remémorer à la manière des « 5 P » :

  • PRÉSERVER l’écosystème naturel marin pour une exploitation durable des ressources.
  • PERPÉTUER les pratiques traditionnelles de pêche.
  • Contribuer à des PROGRAMMES D’ÉTUDES pour mieux appréhender les enjeux environnementaux.
  • Sensibiliser le grand PUBLIC pour une meilleure intégration et appropriation du dispositif.
  • Encourager la PRISE DE DÉCISIONS LOCALES, au travers d’un comité de gestion où tous les acteurs concernés sont représentés.

INTERDIRE ET INFORMER

Au sein du rāhui de Teahupo’o, il est interdit de pêcher, mais aussi de circuler, de mouiller et de se baigner. La saisie du matériel et des contraventions de plus de 170.000 francs sont prévues en cas de non-respect de ces interdictions.

Une large campagne d’information a été menée ces dernières années. Outre la distribution de flyers, des panneaux d’affichage jalonnent la commune de Taiarapu-Ouest, des mairies aux écoles, sans oublier la marina et le PK 0 de Teahupo’o, points d’embarquement vers le Fenua ‘Aihere. En mer, des balises jaunes matérialisent la zone, désormais connue de la majorité des usagers.

UN COMITÉ DE GESTION

Créé par l’arrêté n°971 CM du 27 juin 2014, le comité de gestion du rāhui de Teahupo’o veille sur cet espace, se réunissant plusieurs fois par an pour faire le point sur les enjeux du moment. Ce comité est présidé par le maire de Taiarapu-Ouest, Tetuanui HAMBLIN, épaulé par la maire déléguée de Teahupo’o, Roniu TUPANA-POAREU, et d’autres élus. La Direction de l’environnement (DIREN) coordonne les prises de décision, en présence de la Direction des ressources marines (DRM) et de l’État. Des représentants d’associations (pêche, culture, environnement, éducation, agriculture, tourisme, etc.) complètent la liste, qui totalise plus d’une trentaine de membres. Tous œuvrent de concert avec l’association « Puna Rāhui de Teahupo’o », en charge de la valorisation et du développement de la gestion du rāhui, ainsi que de la mise en place d’un système de surveillance.

Un épisode du magazine Bleu Océan consacré au rāhui de Teahupo’o.

LA GENÈSE DU PROJET

A Taiarapu-Ouest, l’idée de classer une partie du lagon en zone protégée a émergé au début des années 2000. En 2003, le projet de plan de gestion des espaces maritimes n’avait pas pu aboutir. A partir de 2008, la commune a opté pour une approche participative, qui s’est traduite par des études menées par le CRIOBE et le CNRS, en partenariat avec le Pays, via la Direction de l’environnement et le Service de la culture et du patrimoine. De nombreuses personnes-ressources ont été interrogées à Teahupo’o pour déterminer l’outil juridique le plus adapté à ce projet de préservation respectueux des coutumes locales.

Plusieurs personnes-ressources ont été consultées par les scientifiques (Crédit : CNRS-CRIOBE).

Fort de ces précieuses données, par la délibération n°11/2012/CTO du 09 mars 2012, le conseil municipal de Taiarapu-Ouest a demandé au territoire d’acter la création du rāhui de Teahupo’o, officialisée deux ans plus tard, à la suite d’une enquête publique menée entre octobre et novembre 2013. Ce projet avait notamment été défendu par le conseiller spécial du Fenua ‘Aihere, Gérard PARKER, devenu ensuite maire délégué de Teahupo’o et porte-parole comité de gestion du rāhui, de 2014 à 2020.

LE RĀHUI PÉDAGOGIQUE

En 2017, l’association Teahupo’o a inauguré trois stands itinérants à l’école primaire Ahototeina de Teahupo’o. Un « rāhui pédagogique » confié à la circonscription pédagogique de Taiarapu pour un usage scolaire et public, le but étant de sensibiliser durablement la population aux enjeux de cet outil de préservation. Grâce à un superbe travail de collecte d’informations trilingues auprès de différents services et experts, l’association propose une visite éclairante, étoffée par des photos d’archives et des illustrations modernes.

Le rāhui aux temps anciens (Crédit : Rāhui pédagogique).

La visite commence par un voyage dans le passé avec « Le rahui aux temps anciens ». On y apprend qu’autrefois, le rāhui était une restriction « matérielle et temporaire » visant à réguler l’usage de la mer et de la terre. « Ancestral et communautaire, ce mode de gestion des ressources maritimes et terrestres a été progressivement délaissé car moins en phase avec une société de plus en plus peuplée et davantage portée sur le profit », est-il mentionné par le Service de la culture et du patrimoine. Dans son adaptation contemporaine, le rāhui conserve une dimension sacrée qui renforce l’interdit administratif, même s’il n’est plus le fruit de la volonté d’un seul chef (ari’i ou tahu’a).

Se souvenir du passé, mais aussi se projeter. La visite se poursuit avec « Un espoir pour l’avenir », où il est rappelé que la création du rāhui est un long processus qui nécessite la participation de la population pour arriver à un projet accepté par tous, dont les pêcheurs, premiers concernés et bénéficiaires. Il s’agit de laisser le temps aux espèces de grandir et de se reproduire. Un appel au respect est lancé par des membres fondateurs du rāhui de Teahupo’o, dont Annick Paofai : « C’est une décision pour nos enfants, pour les générations futures : qu’ils aient la chance d’avoir du poisson, comme nous ! ».

Un espoir pour l’avenir (Crédit : Rāhui pédagogique).
Un état des lieux illustré pour continuer à sensibiliser le grand public (Crédit : Rāhui pédagogique).

Aujourd’hui, on peut dire que le rāhui de Teahupo’o est une réussite : les différents recensements de poissons ont permis de prouver que la biomasse avait été multipliée par dix en quelques années.